Le 7 novembre. Ma boîte à souvenirs d'enfance.

... Chaque fois, en me réveillant le matin du 7 novembre, je sentais déjà l'ambiance particulière qui régnait dans la maison: la télé était allumée en montrant les images des défilés commencés dans le pays. Ma maman était en train de repasser sa plus belle robe. L'odeur de Krasnaja Moskva, le parfum préféré de ma grand-mère ainsi que celui de toutes les femmes Soviétiques survolait partout dans l'air en faisant éternuer mon père qui était en train de gonfler les ballons pour le défilé, un peu énervé par cette tache complètement inutile devant ses yeux d'artiste.

J'avalais rapidement mon petit déjeuner (des petits pains au pavot ou à la cannelle préparés par ma jolie maman pendant la nuit), et je me pressais finir à confectionner mes fleurs en papier de soie pour les porter pendant le défilé. 

En général, on se réunissait devant le lieu de travail des parents ou devant l'école ou l'université. Quelques filles extrêmement actives distribuaient des fleurs rouges en tissu que chaqun mettait soigneusement sur sa boutonnière, et on se mettait en lignes par 10-12 personnes pour former une jolie colonne.

Nous traversions toute la ville pour, finalement, passer devant le monument de notre grand-père Lenine (comme tous les enfants ont été appris à l'appeler) ainsi que devant une petite poignée de gens de grande importance, maquillés avec de sourires chaleureux d'un jour et portant des regards froids et vides le reste de l'année. 

-Vive la Lettonie Soviétique! 

-Hourra!!!

Vive la Partie!

-Hourra!!!

-Vive les femmes soviétiques, les femmes les plus heureuses du monde!

-Hourraaaaaaaa!!!

Toutes les femmes répondaient joyeusement en croyant à fond  à ce qu'elles allaient entendre, en oubliant déjà la journée de veille: 8 heures dans l'usine en faisant le même travail que les hommes, ensuite 8 heures de corvées domestiques en s'occupant de leurs trois enfants dont l'un est le mari. Les courses sans voiture, le lessive à la main, le blanchissement, le repassage, le ménage sans aspirateur, le repas de lendemain se composant de trois plats obligatoires: la soupe, le plat principal avec de la viande et des pommes de terre, et la compote (le boisson sucré à la base de fruits ou de la confiture selon la saison), un peu de couture pour sa fille cadette, du tricot pour son fils, un peu de broderie pour soi-même pour être un peu plus jolie, le rafistolage des chaussettes trouées de Monsieur. Tout était soigneusement trié, recyclé. Même les collants filés trouvaient leur place devant la porte d'entrée en finissant leur destin comme un petit paillasson crocheté. A ne pas oublier les sacs plastiques lavés et accrochés sur le balcon à côté du linge!...

... Le défilé prenait sa fin. Ensuite tout le monde allait piqueniquer. Des groupes de société, les uns à côté des autres: des ouvriers aux mains couleur de charbon, des paysans aux regards fiers en coupant le pain, le fruit de leur labeur , des intellectuels et des étudiants qui cachaient derrière leurs lunettes bizarres et des cheveux longs des pensées bien intéressantes, des ivrognes aux destins tristes mais à l'humeur joyeuse. Tout le monde fêtait. 

Le soir la ville ferma ses yeux fatigués, fière de sa journée, fière de sa partie, fière de son pays. Sans doute, l'un des plus beaux pays du monde... 

Comments

[La Rimule]

Quels souvenirs ! J'espère bien connaitre un jour les Pays baltes, ça m'attire beaucoup !

[ilétaitunefois]

J'aime ce récit simple et très inspiré d'un fait vécu , le souvenir qui peut à peut devient l'histoire ... j'espère qu'il y en aura encore...
Bises.
Sophie.

[onira]

Ce jour là c'est ma fête .... Jamais je n'aurais imaginé qu'un truc pareil se déroulait chaque année et c'est sûr cette année en novembre je penserai à toi ! Incroyable ce récit !

[La Graine]

Rien à dire,c'est trés beau....
Je pense à toi...

Bisous...

:-))

[Transparences]

Tu racontes tout cela si bien que j'ai l'impression, ce 7 novembre il y a longtemps, d'y avoir été avec toi.